De la suspicion au premier rendez-vous diagnostic


Partie 1/3

Mercredi 14 juin 2017, 7h30 du matin, je suis tombée sur le témoignage d'une personne Asperger qui décrivait son quotidien en quelques mots et, à peu de choses, près, n'ayant pas la même vie que cette personne, j'avais l'impression de me lire. C'était moi, tout craché. J'ai partagé le texte sur mon profil Facebook et quelques proches ont commenté "Oui, mais tu n'es pas Asperger"...
Et c'est vrai que ça me semblait fou, c'était impossible, je ne pouvais pas être autiste, c'était forcément autre chose. L'esprit embrumé de clichés sur ce syndrome que je pensais être une défaillance mentale grave ou alors étroitement liée à un intellect hors du commun, je n'imaginais pas une seconde qu'il soit possible que je puisse être concernée. Malgré ça, j'étais curieuse... Alors je me suis renseignée sur le sujet, et j'ai découvert que les idées reçues que j'avais en tête étaient bien loin de la réalité, qu'on pouvait être autiste Asperger sans que cela ne se remarque, sans être un génie non plus, sans se taper la tête à la moindre contrariété, qu'il était possible d'avoir une vie normale, d'être autonome, d'avoir une vie de couple, une vie de famille... Mais surtout, que beaucoup de femmes étaient autiste Asperger sans le savoir, sans même s'en être jamais douté...
Alors pourquoi pas moi ?
 
J'avoue que la question à fait son petit chemin. J'avais l'impression d'une évidence sans oser y croire. Alors j'ai voulu en savoir plus. Je me suis renseignée sur le sujet et, à chaque fois, je me reconnaissais pour la plus grande partie des témoignages. J'ai découvert que les femmes étaient nombreuses à être diagnostiquées sur le tard, car, justement, les caractéristiques de l'autisme n'étaient pas flagrantes chez les femmes qui, de plus, avaient des capacités d'adaptation et d'imitation de "la norme" qui leur permettaient au syndrome d'Asperger de passer totalement inaperçu...
J'ai fait une demande d'adhésion à un groupe Facebook de femmes Asperger qui autorise les membres qui ne font que se questionner sur le sujet. C'était mon cas. J'ai lu pas mal de posts, les commentaires, j'ai posé des questions, et j'étais de plus en plus sûre de moi. À force de recherche, de quizz et de tests d'auto-diagnostic sur Internet, tout laissait penser que j'étais concernée, alors j'ai vraiment commencé à douter... Le premier test que j'ai fait était, comme pour de nombreuses personnes, l'Aspie Quiz qui n'a aucune valeur de pronostique, mais qui permet de se faire une vague idée... J'apprécie particulièrement le côté visuel du résultat.

Voilà mon diagramme :

Votre résultat Aspie : 154 de 200
Votre score neurotypique (non autistique) : 58 de 200
Vous êtes très probablement Aspie 


Ensuite, j'ai trouvé quelques autres tests qui se rapprochent de ce qui est demandé lors des diagnostics, dont le QA (quotient autistique), le QE (quotient empathique), le Raads-14...
Les résultats allaient tous dans le même sens...
  • Mon quotient autistique tourne toujours autour de 42-44/45-50 en fonction des tests. La norme pour les femmes se situe entre 11 et 23 alors que les Asperger sont généralement entre 31 et 45.
  • Mon quotient empathique est de 8/80. La norme pour les femmes tourne autour de 47 alors que les Asperger tournent entre 9 et 33 (généralement 20). 
  • Mon quotient amitié et relation se monte à 51/140. Les femmes non aspies ont une moyenne de 74 à 106. Les aspies sont plutôt entre 35 et 78.
  • J'obtiens 36/42 au Raads-14, avec une difficulté de mentalisation de 18/21, anxiété sociale de 9/12 et une hypersensibilité sensorielle de 9/9.

Pour faire les tests :
Quotient Autistique : lien 1 / lien 2 / lien 3
Quotient Empathique : lien 1 / lien 2
Raads-14 : lien 1 / lien 2

Suite à ces résultats qui étaient clairement indicateurs, mais n'avaient rien d'officiel, j'avais besoin d'un avis professionnel, un diagnostic réel. J'en ai touché un mot à mon mari qui m'a écouté attentivement, mais ne pouvait s'empêcher de trouver cette idée folle. Pour lui, rien en moi ne pouvait laisser penser au syndrome d'Asperger. J'étais on ne peut plus normal. Mais j'ai quelque peu insisté, parlé de mon besoin de m'en assurer - que j'étais "normale" - alors il a accepté que je tente un diagnostic.

Je ne savais pas comment m'y prendre pour tenter le diagnostic. J'ai posé la question sur le groupe Facebook dont j'étais membre depuis peu, mais la plupart des membres étant françaises ou canadiennes, il m'était difficile de savoir comment m'y prendre pour la Suisse. Alors j'ai fini par me rendre sur le site Autisme Suisse romande et j'ai envoyé un mail à je ne sais qui qui s'occupe des contacts.
C'était le lundi 17 juillet.
J'ai reçu une réponse le lendemain, avec une liste de professionnels que je pouvais contacter pour tenter un diagnostic. J'ai choisi la personne qui était au plus proche, la psychothérapeute F.G., angoissant déjà à l'idée de devoir me rendre "un jour" à cet endroit, de devoir m'organiser, devoir faire face à des inconnus pour parler de mes doutes, et tout ce qui m'amenait à douter... Mais je n'ai pas contacté tout de suite madame F.G: parce qu'il n'y avait qu'un numéro de téléphone joint. Je ne voulais pas appeler, j'avais trop peur. Je voulais pouvoir écrire ce que j'aurais à dire. Alors j'ai renvoyé un mail au centre autistique pour savoir si la personne que je souhaitais contacter avait un mail, expliquant que je n'étais pas à l'aise au téléphone. J’espérais que leur spécialité leur permette de comprendre mon malaise. Et le lendemain, encore une fois, j'ai reçu leur réponse, le mail de la professionnelle que je voulais contacter.

Mercredi 19 juillet, j'écris un mail à la psy que je voulais rencontrer. Elle me répond deux semaines plus tard, le mercredi 2 août, pour m'informer que les consultations Asperger sont suspendues pour une durée indéterminée, que je dois contacter une autre personne, le psychologue H.K.. J'appréhende, d'autant qu'une fois de plus, on ne me donne qu'un numéro de téléphone. Alors je demande si c'est possible d'avoir un mail pour le contacter...
Pas de réponse...

Le vendredi 4 août à 15h45, je tente donc de contacter monsieur H.K. par SMS... Qui me répond aussitôt. Apparemment, il était à l'étranger, je craignais de l'avoir dérangé pendant ses vacances. Je n'ai donc rien réécrit jusqu'à recevoir un nouveau message de sa part. Quatre jours plus tard, je reçois un nouveau message et il me propose un rendez-vous, soit un jeudi, soit un vendredi. Éventuellement et exceptionnellement le samedi.
À ce moment, tout s'emballe dans ma tête. Combien coûtent les séances ? Comment faire garder ma fille puisque mon mari travaille et que ma mère ignore mes démarches et que je n'ai personne d'autre de confiance sous la main ? Comment vais-je m'organiser ? Est-ce que je peux y aller avec ma fille au pire des cas ? Est-ce que je vais recevoir une facture ? Est-ce qu'il faut tout payer d'un coup ? Est-ce que mon mari devra prendre congé ? Est-ce qu'il acceptera puisqu'il est sceptique de l'utilité de tout ça... ? Etc. 
Alors, après avoir demandé à mon mari s'il accepterait de rentrer un peu plus tôt un après-midi, je demande au psy s'il est possible de fixer le rendez-vous en fin de journée et monsieur H.K. accepte sans souci, compréhensif. Il fixe le rendez-vous au jeudi 14 septembre à 19h00. C'est tard, c'est dans une autre ville, je suis nerveuse, mais c'est fixé. Je demande également ce qu'il en est pour le prix du diagnostic et il me dit que l'assurance de base prend tout en charge. Parfait.

J'ai peur. Soudainement, j'ai très peur.
Comment m'y rendre, prendre le train le soir, devoir me retrouver face à face avec un psy, même si ce n'est pas la première fois, devoir parler de mes doutes, mes craintes, les raisons qui m'ont fait penser à un SA... J'ai peur que ce soit confirmé, j'ai peur que ce soit infirmé... J'ai peur de savoir, j'ai peur de ne pas avoir de réponse en annulant. Je ne dois pas annuler, mais j'en ai envie.
Mais j'ai un peu de temps d'ici là.... Plus d'un mois à attendre. De quoi se tourmenter, mais j'essaie de lâcher prise, de laisser le temps filer. Sauf qu'il traîne encore plus, le temps me semble long. La dernière semaine, j'hésitais à nouveau à annuler, mais j'avais trop besoin de savoir. Alors j'ai tenu bon.

Puis le Jour-J est arrivé...

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