Sydrome de l'imposteur - partie 1


Le syndrome de l'imposteur se définit par un doute envahissant concernant ses compétences, et réalisations, souvent dans le domaine professionnel. Voilà pourquoi il est aussi appelé le syndrome de l'autodidacte. Cependant, ce syndrome de l'imposteur est également très présent chez les personnes diagnostiquées autiste Asperger, surtout chez les femmes, dont les traits autistiques sont encore non officiellement définis et qui peinent parfois à se reconnaître dans ceux mis en évidence.

En ce qui me concerne, je dois avouer que c'est effectivement un doute qui m'habite dans plusieurs domaines, notamment dans celui de mes compétences auxquelles je ne crois pas. J'ai beaucoup de mal à accepter les compliments, et je me sens toujours le besoin de me rabaisser, déclarant que "je n'ai pas de mérite, car...".

Mais au-delà du domaine de la réalisation, c'est également un sentiment qui m'habite concernant le syndrome d'Asperger.

Quand je pense à ma vie, j'ai l'impression d'avoir eu une vie très banale, avec des copains, des amoureux, des hauts, des bas, etc.
Et puis j'analyse de plus près, et ça ne colle pas vraiment.

Plein de copains !
Je faisais de l’improvisation théâtrale, j’aimais beaucoup parce que j’avais le droit d’y être bizarre ou de ne pas suivre les règles sociales quand je jouais, mais je n’aimais pas beaucoup toutes les obligations qui s’y rattachaient (ne serait-ce que les cours). Avec quelques copains, on a formé une équipe en parallèle de la ligue de notre ville, on a joué dans les pays voisins, on a rencontré du monde. Dans le milieu de l’improvisation, les gens sont tous un peu "fous" ou "bizarres", ils s’intéressent souvent à beaucoup de choses, etc. Je ne me sentais pas vraiment en décalage...
D’avoir fait de l’improvisation théâtrale m’a appris à jouer un rôle, entrer dans un personnage, ne pas avoir peur, alors c’était facile de faire semblant en société. En formation, en apprentissage, j’étais plutôt excentrique, j’avais quelques copines (perdues aujourd’hui, donc rien de solide et durable), mais je recevais également énormément de critiques sur ma façon d’être, car je n'avais pas une "personnalité normale". C'était une forme exubérante de ce que j’imaginais être la normalité... Et surtout, ce n’était pas moi. Mais du coup, on me pensait très sociable.

Des amoureux !
Dans mes relations amoureuses, je prenais le premier qui semblait s'intéresser à moi, me disant que c’était un cadeau qui ne se représenterait plus, que si j'intéressais quelqu'un cela tenait du miracle et que je ne pouvais pas laisser passer cette chance d'être aimée. Persuadée de les aimer en retour, je m'investissais énormément dans mes relations et développais automatiquement une dépendance affective qui me rendait folle, qui me faisait rater mes études, qui me plongeait en dépression. Je craignais constamment une infidélité - puisque je manquais de confiance en moi, me trouvais moche, bête et inintéressante - etc. Mais rapidement, je me détachais sentimentalement, me sentais mal, j'avais honte de ma relation. Malgré ça, je tentais de l'"entretenir" le plus longtemps possible, craignant de me retrouver seule, que plus personne ne m'aime jamais. Jusqu'à ce que quelqu’un d’autre "prendre le relais".
Mes histoires ne duraient jamais plus de deux ans, et j'en étais venue à penser que c'était ma limite, qu'au-delà de ça, j'étais incapable de vivre une histoire d'amour.

Jusqu’à mon mari.
Avant de le rencontrer, j’avais enfin réussi à prendre du temps pour moi, en tant que célibataire. Je m'attachais à toute personne me témoignant de l'intérêt, mais je refusais de me laisser avoir, mes sentiments étaient complètement faux, je commençais à le comprendre. J’ai été  seule pendant deux ou trois ans, et quand j’ai rencontré celui qui allait devenir mon mari, je voulais être sûre que j’éprouvais de l’amour pour lui et non pas juste une envie d’être aimée à nouveau. Le pauvre aura dû patienter plus d’un mois sans que je ne montre de réel intérêt, ce qui n’est pas grand-chose comparé à certaines, mais il m'a confié que pour lui cela lui avait semblé une éternité.

À l'aise !
Niveau angoisses, peurs, hyperstimulations, hypersensibilité, etc. j’ai toujours caché, refoulé, au prix d’une grosse fatigue et de déprimes. Cela se transformait en général en agressivité ou en colère. Donc on me pensait agressive et colérique, alors qu’en réalité j’étais épuisée, tendue, triste, stressée, nerveuse, sans oser l’avouer. Je jouais la carte du "Mais bordel, fous-moi la paix !" au lieu de dire simplement "Je ne pense pas pouvoir gérer, c’est trop pour moi", "Je ne m'en sens pas la force" ou "J’ai besoin de tranquillité maintenant" parce que j’avais honte de me croire si nulle, faible, sensible, fainéante... Et parce que je savais qu'avec de tels arguments, c'était le genre de qualificatifs auxquels je risquais de me confronter.

Mais du coup, à force de tout refouler, je pouvais "supporter" le bruit, la lumière, la foule, le contact, etc. qui, en réalité, m’agressaient.

Vie normale !
Aujourd’hui, mon cadre de vie me permet d’éviter un grand nombre de situations désagréables, ce qui fait que j’ai l’impression que les crises d’angoisses, la sociabilité défaillante, etc. ne me concernent pas, n’y étant pas confrontée, pourtant, quand, par exemple, on me propose de suivre un cours quelconque avec d’autres mamans pour faire des rencontres, j’exprime un non franc et direct, je n’arrive pas à l’imaginer, je ne me fais même pas à l’idée, ça me rend nerveuse d’y penser, je ne veux pas, je ne veux pas !!!
Je préfère éviter la difficulté en la refusant plutôt que de devoir gérer mon malaise.

Diagnostic sans participation des proches.
Je me suis demandé si mon diagnostic était légitime alors que je n'avais pas passé les fameux ADI-R et ADOS qui se concluent par un entretien avec les parents. Sans aucun doute, les miens auraient dit que je ne suis en rien concernée par le SA. Mais je me suis interrogée sur le type de questions qui peuvent être posées lors de cet échange avec la famille et une jeune femme Asperger qui a passé ces entretiens avec sa famille m'a expliqué que ce sont des questions basiques, du type "À quel âge votre fille à su marcher, parler, lire, écrire ?", "Quels étaient ses intérêts, ses passions ?", "Quel genre de rapport avait-elle avec les autres enfants, avait-elle des amis ?", etc.
Alors je me suis renseignée. J'ai cherché dans mes souvenirs et mes carnets scolaires pour tenter de savoir ce qu'il en était, comparant le tout aux observations faites chez les enfants Asperger.
Sans tout lister, oui, j'étais cet enfant qui a su déchiffrer ses premiers mots à 4 ans, qui se passionnait pour les insectes, les planètes et les dinosaures, qui aimait jouer seule dans la nature et démonter des objets électroménagers...
"Certains enfants Asperger apprennent les bases de la lecture et du calcul avant même d'entrer à l'école, souvent en lisant des livres, en regardant la télévision, ou en jouant à des jeux éducatifs sur un ordinateur ."
"Ces intérêts ont souvent un caractère envahissant, et peuvent concerner des sujets étranges ou peu courants (par exemple, les piles électriques, les panneaux de signalisation, les aspirateurs...)."
Source » Symptomatique du syndrome d'Asperger chez l'enfant.
Mais surtout, je me rappelle parfaitement les remarques de ma professeur qui me disait que j'écrivais comme une cochonne, que ça me vaudrait des points en moins sur mes prochaines copies si je ne faisais pas un effort...
"Au début de sa scolarité, l’enfant Asperger a généralement des difficultés dans l’acquisition de la graphie. Il forme mal ses lettres et peut écrire de manière illisible. Ce défaut sera plus ou moins corrigé par la suite."
Source » Symptomatique du syndrome d'Asperger chez l'enfant.
J'ai également trouvé une information qui a fait tilt en moi pour décrire un comportement qui m'a souvent été reproché, tel quel :
"Il a une tendance à répondre à ses parents. Il est capable de discuter et d’argumenter durant des heures uniquement par principe."
"L’enfant Asperger tend à couper la parole et à interrompre les autres. Dans le même temps, il ne supporte pas que le même traitement lui soit appliqué."
"Parce qu'il se sent inadapté aux situations sociales, l'enfant peut développer une forme de surcompensation en niant qu'il puisse y avoir un problème et en faisant preuve d'arrogance, de telle manière que la "faute" (ou le problème) est toujours rejetée sur les autres, et que l'enfant se considère exempté de toutes ces règles qu'il peine tellement à comprendre."
Source » Symptomatique du syndrome d'Asperger chez l'enfant.
Et quelques petites spécificités qu'il est impossible de nier me concernant :
"Il se met très souvent en colère s’il est interrompu avant d’avoir terminé une tâche."
"L’enfant asperger n’aime pas certains aliments en raison de leur texture."
"L’enfant Asperger peut nouer des amitiés sincères et réelles avec d’autres enfants ayant des intérêts semblables aux siens."
"Il ne pratique pas les jeux de rôle des enfants de son âge (jouer au papa et à la maman, au gendarme et au voleur, etc...). Il n’en voit souvent pas l’intérêt."
Source » Symptomatique du syndrome d'Asperger chez l'enfant.
Etc.
Évidemment, l'entièreté de la liste des traits autistiques chez l'enfant ne me correspond pas, je n'ai pas vérifié le quota juste/faux, donc je ne sais pas ce qui serait ressorti d'un entretient avec les proches... Et je ne le saurai sans doute jamais. Sans parler de tout ce qui me correspond mais que j'ai vécu de l'intérieur, comme le fait que je ne jouais pas particulièrement avec d'autres enfants dans la cours d'école, parfois j'essayais, mais j'étais toujours plutôt dans le bord, à observer les fourmis, ou ce genre...

Dans tous les cas, je doute quotidiennement de verdict "Syndrome Asperger" qui est tombé suite à mon diagnostic, il y a tant de choses qui ne correspondent pas, et pourtant tant d'autres qui sont évidentes. Mais comme on dit : "Les signes et leur sévérité varient d’un autiste à l’autre, allant de léger à sévère. Il y a autant de formes d'autisme qu'il y a d'autistes".

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